L’arrivée de la soie en Europe change les modes et les manières de s’habiller. Dans les années 1600, il est reporté comme à la mode de se faire dépeindre le portrait portant une robe de chambre en soie : cet habit luxueux, ancêtre du smoking, est destiné aux moments intimes, on le porte seulement chez soi.
Dans les années 1850, la guerre de Crimée fait s’affronter les puissances européennes et favorise les échanges : les soldats, notamment anglais, commencent à fumer plus abondamment. Aidés par l’import accru de tabac turc, les soldats démocratisent l’acte de fumer de retour au pays. Il est alors de tradition pour les hommes de porter une robe de chambre permettant de protéger leurs vêtements de la cendre et des odeurs. Ils la retiraient ensuite pour rejoindre leur femme. La « smoking jacket » est alors encore assez variée dans son style : on la porte autant en cachemire, qu’en laine ou en flanelle.

C’est à partir de 1860 que le smoking au style que l’on connaît aujourd’hui apparaît. Il s’agissait alors d’une veste d’intérieur fluide que les hommes portaient dans le fumoir, d’où « smoking », pour ne pas imprégner leurs vêtements de l’odeur du tabac. Edouard VII, chérissant ce vêtement, fait faire par son tailleur Henry Poole & Co de Savile Row une commande spéciale d’une « smoking jacket » légèrement modifiée. En soie bleue, plus courte que la traditionnelle queue-de-pie, à boutonnière simple, sa version modifiée de la « smoking jacket » est moins encombrante : il se met à la porter en société et lors de ses activités de détente.

Lors d’un voyage outre-atlantique, invité au bal organisé par James Brown Potter, un millionnaire américain vivant à Tuxedo Park, Edouard VII aurait porté sa « smoking jacket » : on prête cette origine au nom « tuxedo » que les américains prêtent à la veste de smoking.

Démocratisée pour le commun de l’élite anglaise dans les années 1890, la veste de smoking est devenue un emblème du vestiaire masculin. On le repère au dos d’indomptées telle Colette et Renée Vivien qui empruntent cette pièce fétiche à la garde-robe masculine.

À partir de 1930, c’est au tour de Marlène Dietrich, qui popularise le smoking au féminin dans le film « Morocco » de Josef von Sternberg.

Ce n’est qu’en 1966 que la veste smoking se démocratise au sein du vestiaire féminin, dans un contexte où les femmes ne sont pas toujours autorisées à porter des pantalons : si elles ne portent pas une robe ou une jupe, elles se voient encore parfois interdites d’entrée dans les banques, les hôtels ou les restaurants de luxe.
C’est Yves Saint Laurent, lors de sa présentation automne-hiver 1966, qui met à l’honneur le smoking pour femme : la critique et les acheteurs ne sont pas emballés mais quelques semaines plus tard, la veste de smoking est plébiscitée par la clientèle de sa première boutique de prêt-à-porter rue Tournon, la célèbre boutique Saint Laurent Rive Gauche.

La veste de smoking devient synonyme de pouvoir au féminin, immortalisée en 1975 par Helmut Newton au détour d’une photo devenue iconique.

En 2002, Yves Saint Laurent met le smoking à l’honneur lors de son dernier défilé rétrospectif retraçant ses 40 ans de création pour sa marque éponyme: le défilé s’achève sur une série de smokings, portés par les plus grands mannequins comme Laetitia Casta et Catherine Deneuve.

Traditionnellement réalisée en grain de poudre de laine avec un col de satin de soie, la veste smoking est le plus souvent déclinée en noir et en bleu nuit. Depuis sa transformation d’habit de fumoir à tenue de soirée par Edouard VII, le style de la veste smoking a peu changé : la tradition voulant un col châle de satin et un pantalon doté d’une large bande de satin à la taille. Sa façon de le porter a en revanche considérablement évolué, passant du vestiaire masculin à la garde-robe féminine, de l’habit de soirée codifiée à une veste à associer selon ses envies autant avec un jean boyfriend, un t-shirt et des baskets.